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Texte de Christiane Laforge

Lu à la présentation de Larry Tremblay

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 3 juin 2017


Larry Tremblay, 10 ans, harcèle sa mère pour qu’elle lui achète des livres. Les parents ne sont pas riches, mais elle cède et l’abonne à une collection de romans français à travers lesquels il découvre Balzac et Hugo. Membre assidu de la bibliothèque publique, il s’abreuve de Sartre, Céline, Ducharme, Proust, Rousseau, Beauvoir. Son esprit éveillé par ses lectures conforte sa certitude d’être un écrivain en devenir. Il est aujourd’hui un auteur dont la notoriété rayonne sur plusieurs continents. Ses romans et ses pièces de théâtre ont été traduits et joués en plus de 12 langues et le cinéma a ciblé plusieurs de ses œuvres.


Né à Chicoutimi le 17 avril 1954 dans une famille ouvrière de sept enfants, fils de Yolande Gagnon et Raymond Tremblay, Larry, que certains diront rebelle et entêté, avoue avoir eu de la chance : « Mes parents m’ont donné une grande confiance dans la vie et ont toujours respecté mes choix. Devenir danseur de kathakali à Jonquière dans les années 70 aurait pu faire peur à bien des parents. Pas les miens! Ils m’ont toujours supporté dans mes démarches artistiques. »


Très tôt, l’écriture est sa certitude. La poésie est incontournable certes, mais il commet ses deux premières pièces de théâtre à l’âge de 15-16 ans. Derrière l’auteur s’insinue en catimini un homme de théâtre. Il ne peut résister à l’appel des planches, d’abord dans les troupes d’amateurs de son adolescence, créant par la suite sa propre compagnie grâce au soutien du programme Perspectives Jeunesse, très populaire au Saguenay–Lac-Saint-Jean au début des années 1970. Le jeu de scène s’impose. Après un séjour de quelques mois en Europe, équipé pour écrire, mais sans le sou, il renonce à ses études en psychologie et intègre le Théâtre communal contemporain de Jonquière, une troupe de théâtre expérimental qui le mènera en Inde. C’est là qu’il découvre cette danse classique sacrée du Kéréla, le kathakali qu’il apprend à maîtriser en plus de 17 séjours. Le jeune homme, nourri de ses nombreuses lectures, se forge une tête où domine l’intellect. « Le besoin de créer me tiraillait, me poussait à exprimer l'obsession d'exister avec violence. J'étais un tourmenté, un cheval de peur et de bruit, un insatisfait, un rongé, un étonné. » Mariant danse et théâtre, le kathakali lui apprend à intégrer le corps. Un équilibre, mais aussi une rigueur qui fera l’homme autant que l’œuvre.

Dans une entrevue accordée à Claudia Larochelle de l’Actualité, il explique : « Ce théâtre dansé du sud de l’Inde est une forme classique qui demande un entraînement spartiate. Les années passées à l’apprendre m’ont donné le goût de la discipline et de la rigueur, tout en me plongeant dans le monde du merveilleux, le kathakali mettant en scène les grandes épopées de l’Inde où dieux et démons s’affrontent. J’ai vécu ces années d’apprentissage comme une purification et une libération. Car la danse, une fois la technique maîtrisée, rendue en quelque sorte invisible, libère le corps et, donc, l’esprit. »

Détenteur d’une maîtrise en théâtre de l’Université du Québec à Montréal, Larry Tremblay

y a enseigné l’écriture dramatique jusqu’en 2013 et occupé le poste de directeur du département de théâtre. Fondateur du Laboratoire gestuel, il a été professeur de jeu à l’École supérieure de Théâtre tout en menant de front sa carrière en théâtre, comme metteur en scène, comédien et dramaturge. Avec brio, témoignent ceux qui l’ont vu à l’œuvre, laissant un inoubliable souvenir de sa performance dans Provincetown Playhouse, juillet 1919, j'avais 19 ans de Normand Chaurette à la Maison carrée de Chicoutimi, une production du théâtre de l’UQAC Les Têtes Heureuses. Avec génie reconnaissent unanimement les critiques de plusieurs pays au sujet d’une de ses pièces les plus célèbres, The Dragonfly of Chicoutimi que l’interprétation de Jean-Louis Millette a propulsée au pinacle du théâtre. Avec force et une profonde humanité affirment ses pairs subjugués par son roman L’Orangeraie, finaliste au Prix littéraire du Gouverneur général du Canada, au Prix Ringuet de l'Académie des lettres du Québec, au Prix des 5 continents et au Prix Frye Académie IV pour finalement gagner 12 prix, dont le Prix des libraires du Québec en 2014, le Prix littéraire des collégiens en 2015, le prix Culture et Bibliothèques pour tous, décerné en France et le prix littéraire des Lycéens de l’Eurogio 2017.


Écrivain polymorphe, ce personnage hors norme alimente ses écrits de sa vie comme de la vie, de ses souvenirs, de ses révoltes comme de ses passions, de son sens critique d’une société qui se reflète dans ses médias. Dans une entrevue accordée au Soleil, il dénonce : « L'augmentation de la bêtise dans le monde m'effare. Il y a une telle absence de la pensée qu'on dirait qu'on a de moins en moins besoin de penser... Tout est réduit à des réflexes de désirs et de besoins qui nous avalent. » Et lui qui ne conduit pas, préférant les transports en commun, ajoute : « Je suis une éponge [...] J'entends, j'écoute, je vois et j'absorbe ».


Il écoute. Il entend. Il regarde et voit. Le tout se traduit en une littérature de haute voltige, ainsi que le traduit Yvon Paré : « Larry Tremblay est un grand dramaturge et un écrivain formidable, peut-être l'un des plus originaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Un créateur important qui bouscule les ruses de la pensée, le langage des corps dans une société malade de ses excès et de ses rêves. On pourrait s'attarder à son écriture qui emporte, devient vite incantatoire et troublante. Il demeure un explorateur, un penseur, un écrivain unique et surtout, un éveilleur de conscience. »


Pendant trois décennies, Larry Tremblay a formé des jeunes à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, il a publié près de 30 pièces de théâtre, six romans, cinq livres de poésie, un essai. Fidèle à sa région natale, il y demeure présent, s’impliquant soit dans l’écriture d’une pièce destinée à La Rubrique, soit pour assumer la présidence du Prix Damase-Potvin ainsi que pour participer au Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Il affirme : « Mon trésor, c'est la région du Saguenay. Mes émotions les plus puissantes sont là, tout mon rapport à la nature. »


Il est plus juste de dire à cet homme de lettres qu’il est, lui, pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, une grande richesse.



Le 3 juin 2017


LARRY TREMBLAY


Écrivain, dramaturge, metteur en scène exceptionnel


Pour une œuvre littéraire magistrale


fut reçu Membre de l’Ordre du Bleuet

mercredi 26 juin 2019

Une entrevue intéressante de Larry Tremblay sur son récent livre : l'Oeil soldat






Publié le 19 mars 2019 dans le journal La Presse, un texte de Chantal Guy où Larry se confie.

L'oeil soldat de Larry Tremblay: désarmer les mots


Avec L'oeil soldat, Larry Tremblay croit être arrivé à la fin d'un cycle où il s'interroge sur la violence du monde. Dans ce récit poétique en deux parties, un jeune homme, après avoir passé un pacte avec le diable, se retrouve coincé dans «l'oeil soldat», ce qui le dégoûte à jamais de la guerre, ainsi que des mots qui la font naître. Nous avons joint Larry Tremblay en France, où il écrit actuellement un livret à partir de son célèbre roman L'orangeraie, qui deviendra un opéra - une création de la compagnie Chants Libres que nous pourrons découvrir en 2020.



Larry Tremblay, l'auteur aux mille projets

Pour lire le reportage cliquez sur cette photo.


Daniel Côté
Le Quotidien

« Je me sens comme un enfant. J’ai plein de projets en cours », laisse échapper Larry Tremblay, vers la fin de l’entrevue. À peine revenu d’un séjour prolongé en Europe, l’auteur originaire de Chicoutimi projette l’image d’un jongleur pour qui le bonheur serait proportionnel au nombre de boules qu’il arrive à faire tourner entre ciel et terre.

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POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.